Le 18 mai, les salarié-e-s de Genève Aéroport se sont mobilisé-e-s en nombre. Pour quelle raison?
Jamshid Pouranpir – À l’heure actuelle, Genève Aéroport emploie directement 960 salarié-e-s dans des fonctions très variées. Le gros des troupes est constitué des agent-e-s de sécurité, des pompiers-ères et des ambulanciers-ères. Leurs conditions de travail et de salaires sont réglées par le statut du personnel de l’aéroport, qui s’inspire largement des conditions du personnel de l’Etat de Genève.
Ce statut est aujourd’hui attaqué par la direction. Celle-ci veut imposer un projet de refonte des salaires qui représenterait un recul inédit pour ses employé-e-s. Genève aéroport veut par exemple supprimer les primes, dont le montant est parfois équivalent à un treizième salaire. En parallèle, l’entité envisage de geler les annuités – un-e employé-e pourrait ainsi toucher le même revenu, sans augmentation, toute sa vie. Elle veut aussi raccourcir le délai de licenciement, qui passerait de six à trois mois.
Pour noyer le poisson, l’employeur affirme qu’il ne baissera pas les salaires du personnel déjà en poste. Il s’agit d’une tromperie, car la direction parle uniquement du salaire nominal. Avec le nouveau système, un-e salarié-e gagnant aujourd’hui 80'000 francs annuels pourrait toucher le même salaire nominal, mais ne recevoir plus que 70'000 francs en raison de la suppression des primes. Cela représente une baisse de 10'000 francs par an, alors que tout augmente!
Le SSP dénonce aussi l’opacité du nouveau système…
Jusqu’ici, nous n’avons reçu aucun détail sur la nouvelle grille salariale que la direction veut imposer. Celle-ci nous demande d’approuver un modèle général et alambiqué, reposant sur des critères vagues et élaboré par une coûteuse boîte spécialisée établie à Lausanne. Aujourd’hui, la majorité des salarié-e-s ne savent pas dans quelle classe ils ou elles se trouveront l’année prochaine, car Genève Aéroport refuse de nous donner des indications précises sur la question. L’incertitude est totale!
Il y a quelques jours, nous avons enfin reçu plus de précisions, mais seulement pour 30% des employé-e-s de l’aéroport. Bilan des courses: pour ces salarié-e-s, le nouveau système entraînerait des baisses de salaire allant de 10'000 à 15'000 francs par an. C’est d’autant plus scandaleux que l’aéroport a enregistré un bénéfice de 60 millions de francs l’an passé, et qu’il prévoit d’engranger 100 millions cette année!
Comment expliquer l’ampleur de cette attaque?
La direction de Genève aéroport est imprégnée de l’idéologie néolibérale. Son CEO, André Schneider, a travaillé durant douze ans pour le Forum économique mondial, véritable temple du néolibéralisme. Cette direction ne considère pas l’aéroport comme un service public. Elle veut plutôt poursuivre sa libéralisation effrénée, en calquant les conditions du personnel sur le privé. Je rappelle que nous parlons d’une institution de droit public, propriété à 100% du Canton de Genève!
Quelle a été la réaction du personnel?
Elle a été très forte. Le 10 mai, 300 salarié-e-s, réuni-e-s en assemblée générale, ont voté à l’unanimité contre les mesures décidées par la direction et en faveur de mesures de lutte – y compris la grève – dans le cas où la direction ne changerait pas ses plans. Le 18 mai, une centaine de salarié-e-s ont manifesté devant le terminal principal de l’aéroport. Tandis que leurs collègues en poste, portant badges et casquettes du SSP pour montrer leur détermination, ont mené une grève du zèle. L’ampleur de la mobilisation a surpris tout le monde. Pour éviter une nouvelle manifestation, prévue le lundi 22 mai, la direction de Genève aéroport a saisi la Chambre des relations collectives de travail, qui a mené une procédure de conciliation.
Qu’en est-il ressorti?
La direction a saisi la Chambre des relations collectives de travail pour éviter une grève. Mais ses méthodes ont été réprimandées par les juges, qui ont imposé l’ouverture de négociations avec le SSP. Les discussions ont commencé le 30 mai. Côté syndical, nous y avons rappelé notre opposition à toute coupe sur le dos des salarié-e-s, mais avons aussi proposé des améliorations en matière de conditions de travail et de salaire (notamment l’introduction d’un treizième salaire et d’une semaine de vacances supplémentaire), votées auparavant en assemblée générale. Nous avons aussi dénoncé les méthodes antisyndicales de la direction, qui a blâmé le personnel mobilisé le 18 mai.
Nous avons jusqu’au 20 juin pour trouver un accord. Si ce n’est pas le cas, nous activerons à nouveau des mesures de lutte.